jeudi 13 septembre 2007

Rapport des Nations Unies




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Grâce à notre nouvelle capacité à mesurer la douleur du monde grâce à des ordinateurs, les Nations Unies sont arrivées à cette conclusion : les femmes effectuent 1/3 de tout le travail payé dans le monde, les 2/3 de tout le travail, payé ou non, mais ne reçoivent que 10% des salaires mondiaux et 1% de la propriété mondiale.
Pour ne pas être paralysée par le gigantisme de ce rapport – et aussi pour vraiment s’énerver – nous devrions considérer ces statistiques dans la vie quotidienne.
- L’eau transportée dans des tuyaux a une valeur économique. L’eau portée sur des têtes de femmes pendant des kilomètres n’en a aucune.
- Ce qu’achète une femme au foyer a de la valeur parce que ç’a été produit pour un salaire, mais les heures qu’elle passe à faire la queue et à faire les courses pour l’acheter (une journée entière pour acheter du gaz en Bolivie, plusieurs heures par jour pour de la nourriture en Russie, 8 heures d’achats hébdomadaires en Europe) n’ont aucune valeur.
- Toute nourriture emballée, en boîte et expédiée contribue au PIB/PNB – plus il y en a et plus elle est expédiée loin, plus de valeur elle a – mais de la nourriture que l’on fait pousser dans son jardin ou dans son champ ne compte pas.
- Une femme qui élève ses enfants est une femme qui « ne travaille pas » (ce qui explique que les allocations familiales, initialement conçues comme un revenu pour veuves avec enfants, soient données comme de la charité, alors que les allocations chômage qui ne requièrent rien ne le soient pas). Mais si cette femme mourait, les gens ou institutions à qui il appartiendrait d’élever ses enfants « travailleraient » et recevraient bien plus que des allocations familiales.
- Le ramassage de matériaux pour le feu – une occupation féminine majeure, que ce soit des herbes dans le veld africain ou des bouses de vaches dans des villages indiens – n’a aucune valeur dans le PIB/PNB, mais les mêmes produits vendus au marché seraient pris en compte.
- Les impôts et factures payées par un comptable ont une double vie économique ; une pour les transactions en elles-mêmes et une pour le travail de les payer, mais les factures payées par unE individu n’en ont qu’une.
- Donner du lait industriel à un bébé augmente le PIB/PNB – même s’il est moins nutritif et immunisant que le lait maternel et que le lait en poudre peut même être dangereux quand il est mélangé à de l’eau contaminée, sans même parler de la valeur contraceptive de l’allaitement pour la mère – mais l’allaitement qui est plus sain pour l’enfant et peut-être pour la mère n’a absolument aucune valeur. Le fait d’emmener son bébé malade chez le médecin enrichit le PIB/PNB, mais pas le fait d’avoir un enfant en bonne santé.
- Une femme qui s’occupe d’une personne âgée chez elle (ou homme qui fait ce travail « de femme ») n’est pas comptée dans le PIB/PNB, mais la même personne âgée serait génératrice d’emploi dans une maison de retraite.
- Les dons faites aux associations et œuvres de charité sont deductibles des impôts, mais pa le temps donné à ces mêmes associations. En 1980, le PIB n’a pas pris en compte $18 milliards d’heures de travail bénévoles effectuées par 52,7 millions de femmes. Est-il accidentel que la contribution préférée des hommes soit déductible et que la contribution féminine de temps ne le soit pas ?
- On pourra attribuer la valeur des actes non-monétaires d’un « producteur primaire » (la version agricole de « chef de famille ») au PIB/PNB (l’estimation de la valeur du nombres d’animaux abattus pour nourrir la famille par exemple), alors que la valeur des actes de sa femme, le « producteur secondaire » (faire pousser des tomates) ne le sera pas. En fait, une femme pourra faire pousser des fruits et légumes, cuisiner, faire des conserves, porter de l’eau, ramasser du bois, faire des pots et tresser des paniers, réparer sa maison, élever des animaux domestiques, tisser, coudre des vêtements, s’occuper des malades et enterrer les morts – sans même parler de concevoir et d’élever la génération suivante de travailleurs – sans qu’on la considère jamais « productive ».


[1] Steinem, Gloria (1994) Moving Beyond Words: Age, Rage, Sex, Power, Money, Muscles: Breaking the Boundaries of Gender, Simon & Schuster, New York, 319 p.

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