jeudi 13 septembre 2007

Biologie féminine



A gauche le chromosome X, à droite le ch'ti Y.








La théorie de l’induction[1]

Dans The Nature and Evolution of Female Sexuality[2], Mary Jane Sherfey, MD décrit sa découverte, en 1961, de ce qu’on appelle la théorie de l’induction (inductor theory), selon laquelle “Tous les embryons mammifères, male et femelle sont anatomiquement femelles pendant les premières phases de vie foetale.” Sherfey se demanda pourquoi cette théorie avait été enterrée dans la littérature médicale depuis 1951 et complètement ignorée par la profession. Les hommes qui firent cette découverte ne voulaient pas qu’elle soit vraie.
Sherfey se lança dans l’étude de la théorie de l’induction; celle-ci est à présent une évidence de l’étude du développement mammifère et notamment humain. Comme le décrit Stephen Jay Gould, l’embryon est une créature “indifférenciée” au potentiel bi-sexuel pendant ses huit premières semaines. Dans la huitième semaine, si c’est un spermatozoïde porteur du chromosome Y qui a fusionné avec l’ovule, les gonades deviendront des testicules, qui sécrèteront de l’androgène, qui à son tour génèrera des aprties génitales mâles. En l’absence d’androgène, l’embryon sera femelle.
On notera une différence entre les dévoloppements génitaux interne et externe. Pour le développement interne –les trompes de Fallope, les ovaires, ou les conduits de sperme – “l’embryon jeune contient les précurseurs des deux sexes”. En la présence ou l’absence d’androgène, une branche de l’alernative se développe et l’autre dégénère. Quand aux parties génitales externes, “les organes mâles et femelles se développent différemment à partir du même précurseur.” Cela veut dire en effet que le clitoris et le pénis sont le même organe, formés à partir du même tissu. Les grandes lèvres et le scrotum sont identiques chez l’embryon jeune; en présence d’androgène, “les deux lèvres s’allongent et fusionnent pour former le sac scrotal(???)”.
“Le mode de développement féminin est biologiquement intrinsèque à tous les mammifères. C’est le développement qui se produit en l’absence d’influence hormonale. Le développement mâle est une modification causée par la sécrétion d’androgènes par les futurs testicules,” conclut Gould.
On connait bien la vulnérabilité de l’arrivant mâle dans l’environnement femelle. Les sécrétions vaginales sont plus destructrices pour les spermatozoïdes Y. Les taux de mortalité sont plus élevés chez les garçons nouveaux-nés. In utero, le foetus mâle est protégé pendant les deux premiers mois par le fait qu’on ne peut le distinguer d’un foetus femelle. Après cela, il doit produire de grandes quantités d’hormones pour atteindre et maintenir son identité sexuelle. Il est concevable que les mythes et mythologies, orientaux et occidentaux où le jeune héros se bat contre un dragon femelle trouvent ici une analogie in utero où le foetus mâle se bat chimiquement contre la possibilité de redevenir femelle.
[…]
Les femmes ont l’habitude d’entendre que leur clitoris est “un pénis sous-developpé”.
Les hommes n’ont pas l’habitude de penser que leur pénis est un clitoris surdeveloppé.
Il existe une résistance profonde et institutionnelle aux répercussions du fait que le clitoris est le seul organe du corps humain – homme ou femme – dont le but exclusif est le plaisir et l’orgasme. Qu’est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que, de toutes les espèces animales, il n’y a que la femme pour qui la sexalité et la reproducion ne sont pas inséparables. C’est le pénis mâle, porteur de sperme et repère visible d’excitation qui est à la fois procréateur et érotique. Si nous voulions réduire un des sexes à une fonction purement reproductrice sur la base de son anatomie (et cela n’est pas notre propos), ce serait le sexe masculin qui serait gagnant, pas le sexe féminin. Pas la femme.
Mais ce sont des faits biologiques. Ce ne sont que des réalités biologiques. Et comme nous le savons, les faits et les réalités peuvent être, et sont, systématiquement ignorés, au service des idéologies en place…




Natalie Angier est née en 1958 et a grandi dans le Bronx et dans le Michigan. Elle étudie la littérature, la physique et l’astronomie à l’université de Barnard. Elle a travaillé pour le magazine Discover et pour le New York Times à partir de 1990. En 1991, elle gagne le prix Pulitzer en tant qu’écrivain scientifique. Elle habite le Maryland avec son mari Rick Weiss, un reporter scientifique pour le Washington Post, et leur fille Katherine.

Les ovules

J’ai dit il y a un moment que ma fille avait tous ses ovules quand elle n’était qu’un foetus de 4 mois. En fait, elle était pleine d’ovules à pleine capacité, une ferme à volaille largement subventionnée[3]. Elle avait tous ses ovules, et bien plus encore, et elle perdra la majorité de ces brillantes cellules précieuses avant ses premières règles. A 20 semaines de gestation, le pic de la charge oogonial d’une femme, le fetus porte entre 6 et 7 millions d’ovules. Au cours des 20 semaines suivantes, 4 millions de ces ovules mourront, et à la puberté il n’en restera plus que 400 000, sans prise de bec aucune. Au moment de sa naissance, ses ovules seront les cellules les plus rares de son corps.
L’attrition continuera tout au long de la jeunesse d’une femme et de son âge mûr. Quatre cent cinquante de ses ovules au maximum seront sollicitées par l’ovulation - bien moins si elle passe son temps enceinte, et donc sans ovuler. Cependant, il ne lui restera que très peu d’ovules dans ses ovaires au moment de ménopause. Le reste aura disparu. Le corps les aura récupéré.
Les millions d’ovules avec lesquels nous commençons nos vies sont détruits proprement par un programme cellulaire appelé l’apoptosis.
Les garçons ne commencent à créer des spermatozoïdes qu’à la puberté, et ceux-ci se renouvellent constamment.



Une ovule recevant des spermatozoïdes

Surprises

Emory : Quelles sont les choses qui vous ont le plus surpris pendant l’écriture de ce livre ?
N. Angier :J’ai appris beaucoup de choses que j’ignorais. J’ai été très impressionné par l’aspect des organes internes – j’ai assisté à des opérations chirurgicales pour voir à quoi ils ressemblaient et je les ai trouvé très beaux.
Mes préférés sont les trompes de Fallope. Elles ressemblent à des anémones de mer FEATHERY. Et j’ai appris plein de choses sur ces trompes. Elles sont très actives. Disons que vous avez une endométriose et qu’en conséquence, une de vos trompes est immobilisée et ne peut aller chercher les ovules dans « son » ovaire, et bien c’est l’autre trompe qui traversera toute la zone pour le faire à sa place. C’est incroyable ce qu’elles sont dynamiques.
Une des choses qui j’avais décidé d’investiguer – cela fait longtemps que je pose cette question – est la raison et la nature de l’odeur du sexe féminin. J’ai rencontré une femme qui étudie ce qu’elle appelle « l’écosystème du vagin » qui m’a appris que loin d’être sale, le vagin est l’orifice le plus propre de tout le corps humain. Son pH est analogue à celui d’un verre de vin rouge ou d’un yaourt.
J’ai appris que les femmes gardent les cellules de leur fœtus dans leur corps des decennies après avoir accouché, des cellules vivantes qui continuent à se diviser dans le sang. Cela pourrait bien expliquer certaines choses, comme le fait que les femmes n’ont pas autant de maladies autoimmune que les hommes, ou comme un attachement subliminal continu avec leurs enfants bien après leurs naissances.





Emory Report March 19, 2001
http://www.emory.edu/EMORY_REPORT/erarchive/2001/March/erMarch.19/3_19_01angier.html

[1] Sjoo, Monica & Mor, Barbara (1987, 1991) The Great Cosmic Mother : Rediscovering the Religion of the Earth, Harper Collins, New York, 528 p.

[2] Sherfey, Mary Jane (1982) The Nature and Evolution of Female Sexuality, Random House, New York, citée par Sjoo, Monica & Mor, Barbara (1987, 1991) The Great Cosmic Mother : Rediscovering the Religion of the Earth, Harper Collins, New York, 528 p.

[3] En anglais, ovule se dit ‘egg’, œuf.

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