jeudi 13 septembre 2007

L’engagement de Celina



L’engagement de Celina[1]

Note : il y a une différence entre un vibromasseur et un godemiché, même si certains appareils peuvent offrir les deux fonctions. Le but du vibrateur est de… vibrer et son usage est externe. On le place sur le clitoris, et dans la plupart des modèles on peut régler l’intensité de la vibration. Il peut donc y en avoir de toutes les formes ou tailles, notamment les plus petites. Certains ressemblent à des rouges à lèvres, certains sont des porte-clés pour se destresser à tout moment… Le godemiché est lui utilisé pour la pénétration et se rapproche de manière plus ou moins réaliste de la forme, consistence et taille d’un pénis.

Depuis que j’ai acheté mon premier vibromasseur il y a 4 ans, je n’ai qu’un seul regret ; de ne pas l’avoir acheté plus tôt. Pourquoi n’en ai-je pas eu un quand j’avais, je ne sais pas, 15 ans ? Pourquoi n’en ai-je pas eu un pendant toutes ces années d’université difficiles pendant lesquelles il aurait été tellement agréable de me détendre après des examens épuisants. A l’époque, j’aurai pu me préserver, au lieu de sortir, de me bourrer la gueule et de ramasser le premier mec qui passait pour un peu de compagnonnage sexuel, une stratégie qui me laissait une haleine de chacal, la peau irritée par sa barbe et un mec dans mon lit dont je ne connaissais pas le nom, le matin venu. J’aurais bien mieux fait de passer ces nuits avec un adorable petit système vibratoire, et le sexe aurait aussi été bien plus satisfaisant.
Quand on parle de vibromasseurs, la question ne devrait pas être « Est-ce que c’est mieux qu’un homme ? », mais « Est-ce que c’est mieux que ma main ? ». La réponse à la première question est « C’est différent ». La réponse à la seconde est un « Oui ! » haut et clair. Oh oui, la masturbation, c’est cool, mais on a parfois besoin d’un petit coup d’électricité, pour ainsi dire. C’est là que les magazines, les films pornos et les jumelles interviennent, pour les mecs. Ca épargnent aux mecs la peine de se créer leurs propres fantasmes. Pour moi, les fantasmes n’ont jamais été un problème – c’était le travail manuel qui me semblait long. Et c’est ma Baguette Magique[2] qui s’en occupe maintenant, me laissant libre de me concentrer sur mes scénarios sexuels élaborés, pervers et un peu cinglés.
Depuis que j’en ai un, je suis partie en mission pour les vibros. « Toutes les filles méritent un coup de main », c’est devenu ma devise. Je pense qu’un vibro est la cadeau idéal pour une bat mitzvah ou les « sweet sixteen » (16 ans, ndt). Pensez au nombre d’orgasmes qu’une fille risque de rater sinon !
Je connais plein de femmes qui n’ont pas eu d’orgasmes avant d’avoir une vingtaine d’années, mais
je ne connais pas un seul mec qui ait passé la barre des 14 ans sans en faire l’expérience. Pourquoi ? Je n’en ai aucune idée. Peut-être les garçons ont-ils l’avantage d’avoir un pénis qui durçit et se redresse et hurle « Caresse-moi ! » au milieu de la nuit. Nous autres demoiselles devons tout apprendre par nous-mêmes, et après quelques tentatives furtives, je crois que j’ai juste laissé tomber. Il n’y avait rien à voir, rien qui giclait – je ne suis même pas sûre que je savais à l’époque que les femmes pouvaient avoir des orgasmes. Et, bien que je connaisse la taille de mes seins au centimètre près (ça, c’est sûr, on en parlait suffisamment), je n’avais aucune idée de ce à quoi ressemblait un clitoris, ni même ce que c’était. La petite illustration anatomique qui figurait sur la notice des Tampax memontrait mes parties intimes de manière soigneusement détaillée pour être sûre que je n’insérais pas le tampon dans le mauvais trou, mais négligeait d’inclure le clitoris. Dans nos cultures, on ne pratique pas l’excision pour détacher les filles de leur clitoris. Si personne ne se donne la peine de lui dire qu’elle en a un, il se pourrait bien qu’elle ne le trouve jamais.
Oh, j’ai bien sûr appris les mécanismes de la reproduction quand j’étais enfant. J’ai appris comment on faisait les bébés, et tout le truc sur le pénis et le vagin. Que j’avais des ovaires et un utérus et qu’un petit œuf viendrait une fois par mois. Plus tard, au lycée, on m’a appris comment éviter les MST, éviter de tomber enceinte et comment gérer le sang mensuel, mais rien sur la manière de trouver mon petit bourgeon de plaisir. Après la puberté, on aurait dit que tout mon temps serait consacré à protéger mon sexe d’accidents. Et bien je suis là pour dire aux filles : NE DEMANDEZ PAS CE QUE VOUS POUVEZ FAIRE POUR VOTRE SEXE, MAIS BIEN CE QUE VOTRE SEXE PEUT FAIRE POUR VOUS.
Et bien sûr, une des meilleures choses qu’il puisse faire, c’est de vous donner des orgasmes.
« Je me fais mettre des implants mammaires pour moi » ; c’est l’explication que l’on entend habituellement. Moi je dis que si vous voulez vraiment faire quelque chose pour vous, allez vous acheter un vibro. Si le nombre de femmes qui achètent un vibro était équivalent au nombre de femmes qui se font mettre des faux seins, le monde serait meilleur. Peut-être devrions-nous dire aux femmes qu’utiliser un vibro fait perdre du poids, ou que ça resserre les muscles du vagin, ce qui augmentera son plaisir à lui. Peut-être qu’alors on a plus de chances qu’elles le fassent.
J’en ai ras le bol des femmes qui n’ont pas ou n’utilisent pas de vibros répondent avec dédain quand le sujet est abordé. En général, elles plissent le nez avec dégoût, une réponse qui suggère : « Ma chérie, je suis tellement satisfaite sexuellement que je n’ai pas besoin d’un vibromasseur. » Est-ce que vous pouvez imaginer une réponse similaire de la part des hommes au sujet du porno ? « Tu mates des films pornos ? Mais c’est vraiment dégueulasse ! ». Je n’y crois pas trop. La plupart des femmes ne savent même pas à quoi ils ressemblent ni comment on les utilise. En premier lieu, il y en a de toutes les formes et tailles, des tout petits en forme d’œuf au énormes trucs qu’on vous vend chez Radio Shack [3]avec une étiquette « massage ». C’est d’ailleurs un bon endroit pour aller faire ses courses sans vergogne, vu que les hommes qui travaillent là-bas n’ont pas l’air d’avoir compris à quoi ils servaient non plus. Encore moins de gens savent que les vibros sont fait pour être utilisés en externe. Laissez-moi le dire haut et fort : un vibrateur n’est pas un gode, même si certains peuvent être utilisés de la sorte. Un vibrateur est fait pour être maintenu contre le clitoris jusqu’à ce qu’on explose de plaisir. Point.
Pour être honnête, j’étais moi aussi une de ces femmes. J’ai eu beaucoup de mal à acheter mon premier vibro. Je croyais moi aussi que cela faisait de moi une sorte de vieille fille frustrée et insatisfaite. Mais depuis que j’ai réussi à surmonter mes scrupules, mon vibro a pris une telle place dans ma vie que je n’envisagerais pas plus de m’en passer que de mon répondeur. Je ne me souviens plus de ce qu’était ma vie avant ces objets. Je suis en colère que nous femmes ayons peur d’en acheter ; qu’ils ne soient pas normalisés dans notre culture. On parle bien de sprays pour l’hygiène féminine et de traitements pour les mycoses à la télévision, pouquoi est-ce qu’Hitachi ne fait pas une pub avec des Baguettes Magiques qui promettent aux femmes une « satisfaction purement féminine » ? Pourquoi est-ce que Victoria’s Secret[4] n’engage pas un mannequin pour nous apprendre ce qu’est vraiment le secret de Victoria ? Un super vibro chargé à bloc qui ne la laissait jamais tomber.En attendant, ma mission est claire. Pour reprendre le slogan des riot grrrls – Les filles ont besoin de guitares !- j’ai créé mon propre cri de ralliement : Vixens need Vibros ! Amen !



[1] Celina Hex in Crawford, Mary, et Rhoda Unger (Ed.) (2000) In Our Own Words: Writings From Women's Lives, McGraw Hill, Boston. p145.
[2] En anglais, Magic Wand
[3] Magasin d’électronique
[4] Marque de lingerie très connue

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