jeudi 13 septembre 2007

Les conséquences de l'avortement sur la criminalité

Freakonomics


Steven Leavitt et Stephen Dubner se rencontrèren quand ce dernier, un journaliste, rencontra la premier, professeur d’économie à l’université de Chicago pour écrire son portrait pour le New York Times. Freakonomics est le fruit de leur rencontre.


[…] Il y a pourtant eu un changement démographique inattendu et de gestation longue qui a drastiquement réduit la criminalité dans les années 90.
Souvenez-vous de la Roumanie en 1966 ; sans crier gare, Nicolae Ceausescu interdit l’avortement. Les enfants nés après cette déclaration ont bien plus de chances de devenir des criminels que les enfants nés avant. Pourquoi ? Des études en Europe de l’Est et Scandinavie de 1930 à 1960 montrent des tendances similaires. Dans la plupart des ces cas, l’avortement n’était pas officiellement interdit, mais les femmes devaient avoir l’autorisation d’un juge pour pouvoir avorter. Les études montrent que lorsqu’une femme ne recevait pas la permission d’avorter, elle en voulait souvent à son enfant et ne le traitait pas bien. Même en croisant les facteurs de revenus, d’age, d’éducation et de santé, les chercheurs conclurent que c’étaient les enfants non désirés qui avaient le plus de chances de devenir des criminels.
Pendant ce temps-là, les Etats-Unis adoptaient une politique d’avortement différente de l’Europe. Au début de l’histoire du pays, il était possible d’avorter avant le « quickening », c'est-à-dire avant de pouvoir ressentir les mouvements du fœtus, en général autour des 16ème à 18ème semaines de grossesse. New York est le premier état à restreindre l’accès à l’avortement en 1828. En 1900, l’avortement était devenu illégal dans tout le pays. Au XXème siècel, l’avortement est souvent dangereux et onéreux. Les femmes les plus modestes, en conséquence, avortent moins, et ont aussi moins accès à la contraception. En revanche, elles ont beaucoup plus d’enfants.
A la fin des années 60, plusieurs états commencent à autoriser l’avortement dans des circonstances extrêmes : viol, inceste ou danger pour la mère. En 1970, l’avortement est entièrement légal et accessible dans 5 états ; New York, la Californie, Washington, l’Alaska et Hawai. Le 22 janvier 1973, le droit à avorter est subitement étendu à tout le pays avec la décision de la Cour Suprême Roe contre Wade. L’opinion majoritaire, exprimée par le juge Harry Blackman se soucie particulièrement de la situation de la mère.

Le détriment que l’Etat impose aux femmes enceintes en leur niant ce choix est très clair… La maternité, ou un plus grand nombre d’enfants peuvent forcer la femme dans une vie et un futur très pénibles. La douleur psychologique, la santé mentale et physiques peuvent être rudement mises à l’épreuve dans la maternité.

La Cour Suprême exprime ce jour-là ce que les mères roumaines, scandinaves et de partout savent depuis longtemps ; quand une femme ne veut pas d’un enfant, c’en qu’elle a de bonnes raisons. Elle peut ne pas être mariée ou mal mariée. Elle est peut-être trop pauvre pour élever un enfant. Elle trouve peut-être sa vie trop instable ou maheureuse, ou elle pense que son propre alcoolisme ou addiction feront du mal au fœtus. Elle est peut-être trop jeune ou manque d’éducation. Elle veut peut-être vraiment un enfant, mais pas tout de suite, dans quelques années. Pour des centaines de raisons, elle sait qu’elle ne peut pas offrir un environnement épanouissant à un enfant.
Dans l’année qui suit Roe contre Wade, 750 000 femmes avortent aux Etats-Unis, ce qui représente un avortement pour 4 naissances. En 1980, le nombre d’avortements atteint 1,6 millions, un pour 2,25 naissances, où il se stabilise. Dans un pays de 125 millions d’habitants, 1, 6 millions d’avortements, un pour 140 Américains, ne semble pas un être un chiffre tellement dramatique. L’année qui suit la mort de Ceausescu, il y a un avortement pour 22 Roumaines. Mais tout de même ; 1, 6 millions d’Américaines enceintes n’accouchent plus.
Avant Roe contre Wade, c’était surtout les filles de bonne famille qui pouvaient trouver et payer un avortement. Maintenant, au lieu d’une opération illégale qui coûtait dans les $500, toute femme pouvait avorter pour $100.
A quelle genre de femme la décision Roe contre Wade allait-elle servir ? Probablement une femme célibataire, ou adolescente, ou sans argent, voire même les trois. A quel genre de futur ses enfants pouvaient-ils rêver ? Une étude montre que l’enfant moyen qui n’est pas né pendant les premières années après la légalisation de l’avortement avait 50% de chances de vivre dans la pauvreté que la moyenne nationale, et 60% de chances en plus de n’être élevé que par un parent. Ces deux facteurs – pauvreté dans l’enfance et foyer monoparental – font partie des indicateurs les plus élevés d’un futur criminel. Le fait de grandir dans un foyer monoparental multiplie à peu près par deux la propension d’un enfant à commettre des crimes. Idem pour le fait d’avoir une mère adolescente. Une autre étude montre qu’un bas niveau d’éducation de la mère est le facteur le plus puissant menant au crime.
En d’autres termes, les mêmes facteurs qui ont conduit des millions d’Américaines à chercher un avortement semblaient aussi garantir à leurs enfants un avenir malheureux et potentiellement criminel.
Evidemment, la légalisation de l’avortement aus Etats-Unis a eu des myriades de conséquences. Le taux d’infanticide a dramatiquement chuté, ainsi que les mariages forcés et le nombres de bébés nés sous X (ce qui a conduit au boom des adoptions internationales). Les grossesses ont augmenté de 30%, mais les naissances sont tombées de 6%, indiquant que de nombreuses femmes utilisaient l’avortement comme une méthode de contraception un peu drastique.
Mais la conséquence la plus impressionnante de la légalisation de l’avortement et qui mettrait des années à apparaître est son impact sur le crime. Au début des années 90, au moment où les premières cohortes d’enfants nés après Roe atteignaient l’adolescence – les années où les jeunes gens commencent leur pic de criminalité – le taux de criminalité commença à chuter. Ceux qui ne faisaient pas partie de ces cohortes étaient évidemment les enfants qui avaient le plus de chances de devenir des criminels. Et le crime continua à tomber alors qu’une génération entière atteignait l’âge adulte – moins les enfants dont les mères n’avaient pas voulu faire naître. La légalisation de l’avortement mena à moins de naissances non-désirées ; les naissances non-désirées mènent au crime ; la légalisation de l’avortement mène donc à une baisse de la criminalité.

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