[1]
Quand mon mari et moi nous sommes mariés il y a presque une décennie, ‘tenir la maison’ était plus un jeu qu’un poids. Nous avions des jobs à plein temps et nous prenions soin de nous-mêmes. Nous habitions un petit appartement qui restait vide toute la journée, ce qui rendait son entretien plutôt simple. Toutes les deux semaines nous passions un samedi matin à nettoyer et à emmener notre lessive au lavomatic. J’étais en général celle qui cuisinait, mais nos repas était simples et sans formalité. Nous faisions tous les deux les courses en sortant du boulot. Nous allions parfois au restaurant. Nous prenions le petit-déjeuner dans un diner près du bureau. Mon mari cuisinait parfois. Il y avait toujours peu de vaisselle. Le soir, nous faisions de grandes balades et nous allions passer le week-end à Central Park. Notre vie domestique était merveilleusement simple.
Puis notre premier enfant arriva. J’arrêtai de travailler pour m’en occuper. Notre vie domestique devint soudainement très complexe, et quand notre fille naquit deux ans plus tard, elle devint impossible. Une fois les enfants nés, nous acceptâmes totalement les rôles assignés par la société. Mon mari travaillait toute la journée au bureau et je restai à la maison, ce qui impliquait que tout ce qui était domestique me retombait sur les épaules. Quand je travaillais, j’étais habituée à voir des gens pendant la journée, j’avais une vie hors du foyer, mais j’étais maintenant restreinte par la compagnie de deux bébés exigeants et les quatre murs de l’appartement. Il me semblait injuste que la vie de mon mari ait si peu changé à la naissance des enfants, alors que la mienne était devenue entièrement domestique.
Nous dûmes déménager dans un appartement plus grand. Le maintenir dans les limites du vivable prenait plusieurs heures par jour et non plus quelques heures le week-end. Et les enfants créent une pagaille effarante. Notre seul repas de la journée s’était transformé en une demi-douzaine de repas par jour pour une à quatre personnes – et tout le monde mangeait une nourriture différente. Faire les courses pour cette tribu – ou même traverser la rue pour aller chercher un litre de lait - devenait une entreprise majeure. Il fallait se mettre en tenue de neige, bottes, mitaines, descendre et remonter les poussettes et planifier l’heure des achats pour qu’ils n’interfèrent pas avec le bain, la sieste, le repas, les maladies de quelqu’un ou une tâche quelconque. La lessive passa d’un rythme hebdomadaire à un rythme journalier. Tout ce tumulte commençait pour moi à six heures du matin et durait sans interruption jusqu’à neuf heures du soir, et je n’avais jamais le temps de tout faire. Mais la responsabilité sans appel ou interruption de mes enfants était encore plus lourde que l’aspect purement domestique du travail. Je ne pouvais littéralement rien faire ni même envisager sans considérer en premier lieu l’effet que cela aurait sur mes enfants. Le simple fait de répondre à leurs questions écartait toutes chances d’avoir un absolu minimum d’intimité mentale. Ils étaient toujours là. Si j’avais un moment pour lire, je leur lisais des livres.
Le travail de mon mari le retenait de plus en plus tard au bureau, et il devait parfois partir en déplacement professionnel. Si je souffrais de trop de domesticité, lui souffrait d’un manque dans ce domaine. Les enfants étaient au lit quand il rentrait et j’étais trop épuisée pour parler. Il devint un étranger. Nous souffrions tous les deux d’insatisfaction chronique et n’avions pas de solution.
Il cuisinait parfois pour nous deux quand nous étions jeunes mariés, mais c’était devenu impossible à présent. Un repas était devenu une production majeure et compliquée, dont le timing était crucial avec, en fond, toujours le risque que quelqu’un se mette à pleurer. On ne pouvait plus décider ce que nous voulions manger sur un coup de tête. Et il y avait toujours de la vaisselle à laver dans l’évier.
Plus les enfants grandissaient, plus nos arrangements domestiques m’étaient odieux. Je commencai à rapporter du travail free lance à la maison pour garder un contact avec le monde extérieur, mais je ne pouvais m’en acquitter que dans mon ‘temps libre’. J’avais l’impression que mon mari pouvait toujours changer de travail s’il ressentait trop de pression, mais moi, je ne pourrais jamais changer de job.
Après 6 ans à la maison à m’occuper des enfants, je commençai à me rendre à des réunions du Mouvement de Libération de la Femme, fraîchement formé. A ces réunions, je me rendis compte que ma situation n’était pas exceptionnelle ; les autres femmes aussi se sentaient épuisées et frustrées en tant que femmes au foyer et mères. Quand nous commençâmes à parler de la manière dont nous aurions préféré vivre nos vies, la plupart d’entre nous tomba d’accord sur le fait que même si nous avions voulu quelque chose de différent, nous n’avions jamais eu l’impression que nous avions le choix en la matière. Nous nous rendîmes compte que nous avions glissé dans la responsabilité totale de la domesticité comme dans une évidence, et cela nous sembla injuste.
Finalement, après une examination laborieuse de nos situations, mon mari et moi décidèrent que nous n’avions pas à accepter plus longtemps les rôles sexuels qui nous avaient transformés en famille boîteuse. Par amour et par desespoir, nous décidâmes de réexaminer les habitudes que nous avions prises et de recommencer à zéro, de redéfinir nos rôles pour nous-mêmes et par nous-mêmes.
Notre souhait étant d’être à nouveau égaux et indépendants comme nous l’étions quand nous nous étions rencontrés, nous mîmes en place un accord qui nous permettait de nous définir comme nous le souhaitions. Nous voulions partager à égalité les responsabilités domestiques et d’éducation de nos enfants, qui avaient 5 et 7 ans à ce moment-là. Nous nous étions rendus compte qu’après une décennie passée à suivre les rôles sexuels traditionnels, nous devrions être particulièrement vigilants pour ne pas retomber dans nos vieilles habitudes domestiques. Si c’était le tour de mon mari de s’occuper des enfants pour la soirée, j’aurai à me retenir de surveiller comment il s’en sortait ; si la baby-sitter n’arrivait pas, ce serait son problème.
Tant que notre accord resta verbal, cela ne marcha pas ; nos vieilles habitudes étaient trop fermement ancrées. Nous écrivîmes donc un accord formel, basé sur un emploi du temps détaillé des devoirs familiaux. Finalement, à mesure que les vieux rôles seront remplacés, nous pourrons abandonner la formalité de notre arrangement, mais cette formalité est pour le moment impérative. Les bonnes intentions ne sont tout simplement pas suffisantes. Notre accord est composé pour notre situation propre ; mon mari travaille toute la journée à un travail de son choix, et je travaille à la maison sur un base free-lance pendant que les enfants sont à l’école, de 8 :30 à 15 :00. Si mon mari ou moi changions de travail, de revenus, ou d’horaires, nous aurions à ajuster notre accord aux nouvelles circonstances. Pour le moment, comme mon mari gagne plus d’argent que moi, il règle la plupart des dépenses.
Accord de mariage
1) Principes
Nous rejetons l’idée que le travail qui rapporte le plus d’argent est le plus important. La capacité à gagner de l’argent est aussi un privilège qui ne doit pas permettre au plus grand gagnant d’éviter ses responsabilités par l’argent en mettant le fardeau sur celui qui gagne moint d’argent ou sur quelqu’un qu’il/elle engage.
Chaque membre de la famille a un droit égal à son temps, à la valeur de son travail et à ses choix. Du moment que ses devoirs sont accomplis, chacun pourra utiliser son temps comme il/elle l’entend. Si il/elle veut l’utiliser pour gagner de l’argent, bien. Si il/elle veut passer du temps avec son conjoint, bien. Sinon, bien.
En tant que parents, nous estimons que nous devons partager toutes les responsabilités qui concernent les enfants et la maison – pas seulement le travail, mais la responsabilité. Pendant au moins un an à compter de la date de cet accord, le partage des responsabilités impliquera
Se partager le travail (voir plus bas)
Partager le temps de responsabilité de chaque parent (voir emploi du temps)
En principe, les tâches doivent être équitablement partagées, mais des deals peuvent être passés par accord mutuel. Si les tâches et l’emploi du temps ne sont pas divisés sur une base équitable, chacun peut demander une réexamination et une redistribution des tâches ou une révision de l’emploi du temps. Si l’un des deux a trop de tâches domestiques, il/elle peut obtenir une compensation de la part de l’autre sous forme de travail en plus. Pour des raisons pratiques, l’emploi du temps peut être flexible, mais l’on devra se mettre d’accord formellement sur les changements. Les termes de cet accord sont des droits et des devoirs, pas des privilèges et des faveurs.
2) Partage des tâches
Les enfants
1- Le matin : réveiller les enfants, les habiller, faire leurs déjeuners, vérifier qu’ils ont leurs livres, cahiers, argent, devoirs, badges…etc. Brossage de dents, petit déjeuner. Café pour nous.
2- Transport; emmener et ramener les enfants à leçons, dentistes, docteurs, amis, jardin, fêtes, cinéma, bibliothèque… Prendre les rendez-vous
3- Aide ; avec les devoirs, les problèmes peronnels, les projets, les cadeaux, les expériences, le jardinage…etc. Répondre au questions, expliquer les choses…
4- Le soir; le bain, les dents, au lit, ranger les jouets et les vêtements ; lire avec eux, les border ; avoir les discussions du soir ; gérer les cauchemars et réveils nocturnes.
5- Babysitters ; s’assurer de leur présence, ce qui requiert un certain temps au téléphone.
6- Maladie ; appeler le médecins, vérifier les symptômes, aller chercher les médicaments, se rappeler de les prendre ; prendre des jours pour rester à la maisons ; offrir des activités
7- Weekends ; tout ce qui précède, plus activités spéciales (la plage, le zoo…)
La maison
La cuisine ; petit-déjeuners, dîners (enfants, parents, invités)
Les courses ; nourriture pour tous les repas ; les ustensiles ; les vêtements et les fournitures pour les enfants.
Nettoyage ; la vaisselle tous les jours ; l’appartement une ou deux fois par semaine ou par mois
La lessive ; les vêtements, les lits, le nettoyage à sec (les déposer et aller les chercher)
3) Emploi du temps
(Les numéros correspondent au partage des tâches)
1- Une semaine sur deux, un parent prend tout en charge.
2 et 3 - Transport et Aide: Entre 15:00 et 18:30, responsabilité de l’épouse, qui aura droit à une compensation (voir 10 ci-dessous). Le mari s’occupera de tous les transports pendant le week-end et après 18 :00 pendant la semaine. Le reste est partagé équitablement.
4 - Le soir ( après 18 :30) : la père s’occupe des mardi, jeudi et dimanche. La mère se charge des lundi, mercredi et samedi. Le vendredi sera pris en charge par celui qui a moins travaillé cette semaine-là.
5 – C’est celui qui va être remplacé qui doit appeler la baby-sitter. Si le parent en question ne trouve pas de baby-sitter, il/elle doit rester à la maison.
6 – Maladies : ce point doit être réparti equitablement, car c’est l’épouse qui en a la responsabilité totale pour le moment. (Idem pour les grèves de l’école ou les fermetures pour des raisons politiques. Le maire choisit de fermer les écoles, mais pas les bureaux et les entreprises.)
7- Les week-ends : répartition équitable. Le père est libre tout le samedi, la mère est libre tout le dimanche, mais le père s’occupe des transports du week-end, des petits-déjeuners et des courses spéciales.
8 – Cuisine : la mère s’occupe de tous les dîners sauf celui de dimanche ; le père s’occupe des petits-déjeuners du week-end (ce qui inclut les courses et le rangement). Le dîner de dimanche et les dîners des soirs où sa femme n’est pas là et où il est responsable. Les petits-déjeuners sont répartis semaine par semaine. Celui ou celle qui invite des amis s’occupe des courses, de la cuisine et de la vaisselle ; si les deux sont à l’origine de l’invitation, la tâche est répartie.
9 – Les courses ; à répartir selon ce qui est le plus pratique. En général, l’épouse s’occupe des courses journalières ; le mari fait les courses spéciales, les fournitures et les affaires des enfants.
10 – Ménage : le mari s’occupe de tout le ménage en echange des heures supplémentaires que sa femme passe à s’occuper des enfants (entre 15 :00 et 18 :30 touts les jours + les maladies). Vaisselle : voir 4.
11 – La lessive : l’épouse s’occupe de la lessive normale. Le mari s’occupe de tout ce qui concerne le pressing. L’épouse défait les lits, le mari les fait.
Notre accord a changé nos vies. Etonnament, une fois qu’il a été écrit, nous n’avons eu à nous y référer que deux ou trois fois, même si nous devions toujours combattres nos vieilles habitudes.
Finalement, cet accord a été parfaitement integré, et à présent , deux ans plus tard, nous nous sommes rendu compte que nos nouveaux rôles sont aussi faciles à suivre que nos anciens rôles. J’aide avec plaisir mon mari à faire le ménage (tout en sachant que c’est sa responsabilité) et il m’aide souvent pour la lessive ou les repas. Nous avons tous les deux moins de travail, plus de temps ensemble et moins de mécontentement.
Avant d’écrire cet accord, je n’avais jamais le temps de finir un livre. Au cours des deux dernières années j’ai écrit 3 livres pour enfants, une biographie et un roman, et j’ai édité une collection d’écrits. Sans notre accord je n’en aurai jamais été capable.
Mais le changement le plus positif est celui qui s’est produit au sein de notre famille. 4 mois après notre accord, notre fille a dit un jour à mon mari : « Tu sais Papa, avant je préférais Maman, mais maintenant je vous aime tous les deux pareil. »
[1] Shulman, Alix Kates (1969) In Dear Sisters: Dispatches From the Women's Liberation Movement Basic Books, New York.
Quand mon mari et moi nous sommes mariés il y a presque une décennie, ‘tenir la maison’ était plus un jeu qu’un poids. Nous avions des jobs à plein temps et nous prenions soin de nous-mêmes. Nous habitions un petit appartement qui restait vide toute la journée, ce qui rendait son entretien plutôt simple. Toutes les deux semaines nous passions un samedi matin à nettoyer et à emmener notre lessive au lavomatic. J’étais en général celle qui cuisinait, mais nos repas était simples et sans formalité. Nous faisions tous les deux les courses en sortant du boulot. Nous allions parfois au restaurant. Nous prenions le petit-déjeuner dans un diner près du bureau. Mon mari cuisinait parfois. Il y avait toujours peu de vaisselle. Le soir, nous faisions de grandes balades et nous allions passer le week-end à Central Park. Notre vie domestique était merveilleusement simple.
Puis notre premier enfant arriva. J’arrêtai de travailler pour m’en occuper. Notre vie domestique devint soudainement très complexe, et quand notre fille naquit deux ans plus tard, elle devint impossible. Une fois les enfants nés, nous acceptâmes totalement les rôles assignés par la société. Mon mari travaillait toute la journée au bureau et je restai à la maison, ce qui impliquait que tout ce qui était domestique me retombait sur les épaules. Quand je travaillais, j’étais habituée à voir des gens pendant la journée, j’avais une vie hors du foyer, mais j’étais maintenant restreinte par la compagnie de deux bébés exigeants et les quatre murs de l’appartement. Il me semblait injuste que la vie de mon mari ait si peu changé à la naissance des enfants, alors que la mienne était devenue entièrement domestique.
Nous dûmes déménager dans un appartement plus grand. Le maintenir dans les limites du vivable prenait plusieurs heures par jour et non plus quelques heures le week-end. Et les enfants créent une pagaille effarante. Notre seul repas de la journée s’était transformé en une demi-douzaine de repas par jour pour une à quatre personnes – et tout le monde mangeait une nourriture différente. Faire les courses pour cette tribu – ou même traverser la rue pour aller chercher un litre de lait - devenait une entreprise majeure. Il fallait se mettre en tenue de neige, bottes, mitaines, descendre et remonter les poussettes et planifier l’heure des achats pour qu’ils n’interfèrent pas avec le bain, la sieste, le repas, les maladies de quelqu’un ou une tâche quelconque. La lessive passa d’un rythme hebdomadaire à un rythme journalier. Tout ce tumulte commençait pour moi à six heures du matin et durait sans interruption jusqu’à neuf heures du soir, et je n’avais jamais le temps de tout faire. Mais la responsabilité sans appel ou interruption de mes enfants était encore plus lourde que l’aspect purement domestique du travail. Je ne pouvais littéralement rien faire ni même envisager sans considérer en premier lieu l’effet que cela aurait sur mes enfants. Le simple fait de répondre à leurs questions écartait toutes chances d’avoir un absolu minimum d’intimité mentale. Ils étaient toujours là. Si j’avais un moment pour lire, je leur lisais des livres.
Le travail de mon mari le retenait de plus en plus tard au bureau, et il devait parfois partir en déplacement professionnel. Si je souffrais de trop de domesticité, lui souffrait d’un manque dans ce domaine. Les enfants étaient au lit quand il rentrait et j’étais trop épuisée pour parler. Il devint un étranger. Nous souffrions tous les deux d’insatisfaction chronique et n’avions pas de solution.
Il cuisinait parfois pour nous deux quand nous étions jeunes mariés, mais c’était devenu impossible à présent. Un repas était devenu une production majeure et compliquée, dont le timing était crucial avec, en fond, toujours le risque que quelqu’un se mette à pleurer. On ne pouvait plus décider ce que nous voulions manger sur un coup de tête. Et il y avait toujours de la vaisselle à laver dans l’évier.
Plus les enfants grandissaient, plus nos arrangements domestiques m’étaient odieux. Je commencai à rapporter du travail free lance à la maison pour garder un contact avec le monde extérieur, mais je ne pouvais m’en acquitter que dans mon ‘temps libre’. J’avais l’impression que mon mari pouvait toujours changer de travail s’il ressentait trop de pression, mais moi, je ne pourrais jamais changer de job.
Après 6 ans à la maison à m’occuper des enfants, je commençai à me rendre à des réunions du Mouvement de Libération de la Femme, fraîchement formé. A ces réunions, je me rendis compte que ma situation n’était pas exceptionnelle ; les autres femmes aussi se sentaient épuisées et frustrées en tant que femmes au foyer et mères. Quand nous commençâmes à parler de la manière dont nous aurions préféré vivre nos vies, la plupart d’entre nous tomba d’accord sur le fait que même si nous avions voulu quelque chose de différent, nous n’avions jamais eu l’impression que nous avions le choix en la matière. Nous nous rendîmes compte que nous avions glissé dans la responsabilité totale de la domesticité comme dans une évidence, et cela nous sembla injuste.
Finalement, après une examination laborieuse de nos situations, mon mari et moi décidèrent que nous n’avions pas à accepter plus longtemps les rôles sexuels qui nous avaient transformés en famille boîteuse. Par amour et par desespoir, nous décidâmes de réexaminer les habitudes que nous avions prises et de recommencer à zéro, de redéfinir nos rôles pour nous-mêmes et par nous-mêmes.
Notre souhait étant d’être à nouveau égaux et indépendants comme nous l’étions quand nous nous étions rencontrés, nous mîmes en place un accord qui nous permettait de nous définir comme nous le souhaitions. Nous voulions partager à égalité les responsabilités domestiques et d’éducation de nos enfants, qui avaient 5 et 7 ans à ce moment-là. Nous nous étions rendus compte qu’après une décennie passée à suivre les rôles sexuels traditionnels, nous devrions être particulièrement vigilants pour ne pas retomber dans nos vieilles habitudes domestiques. Si c’était le tour de mon mari de s’occuper des enfants pour la soirée, j’aurai à me retenir de surveiller comment il s’en sortait ; si la baby-sitter n’arrivait pas, ce serait son problème.
Tant que notre accord resta verbal, cela ne marcha pas ; nos vieilles habitudes étaient trop fermement ancrées. Nous écrivîmes donc un accord formel, basé sur un emploi du temps détaillé des devoirs familiaux. Finalement, à mesure que les vieux rôles seront remplacés, nous pourrons abandonner la formalité de notre arrangement, mais cette formalité est pour le moment impérative. Les bonnes intentions ne sont tout simplement pas suffisantes. Notre accord est composé pour notre situation propre ; mon mari travaille toute la journée à un travail de son choix, et je travaille à la maison sur un base free-lance pendant que les enfants sont à l’école, de 8 :30 à 15 :00. Si mon mari ou moi changions de travail, de revenus, ou d’horaires, nous aurions à ajuster notre accord aux nouvelles circonstances. Pour le moment, comme mon mari gagne plus d’argent que moi, il règle la plupart des dépenses.
Accord de mariage
1) Principes
Nous rejetons l’idée que le travail qui rapporte le plus d’argent est le plus important. La capacité à gagner de l’argent est aussi un privilège qui ne doit pas permettre au plus grand gagnant d’éviter ses responsabilités par l’argent en mettant le fardeau sur celui qui gagne moint d’argent ou sur quelqu’un qu’il/elle engage.
Chaque membre de la famille a un droit égal à son temps, à la valeur de son travail et à ses choix. Du moment que ses devoirs sont accomplis, chacun pourra utiliser son temps comme il/elle l’entend. Si il/elle veut l’utiliser pour gagner de l’argent, bien. Si il/elle veut passer du temps avec son conjoint, bien. Sinon, bien.
En tant que parents, nous estimons que nous devons partager toutes les responsabilités qui concernent les enfants et la maison – pas seulement le travail, mais la responsabilité. Pendant au moins un an à compter de la date de cet accord, le partage des responsabilités impliquera
Se partager le travail (voir plus bas)
Partager le temps de responsabilité de chaque parent (voir emploi du temps)
En principe, les tâches doivent être équitablement partagées, mais des deals peuvent être passés par accord mutuel. Si les tâches et l’emploi du temps ne sont pas divisés sur une base équitable, chacun peut demander une réexamination et une redistribution des tâches ou une révision de l’emploi du temps. Si l’un des deux a trop de tâches domestiques, il/elle peut obtenir une compensation de la part de l’autre sous forme de travail en plus. Pour des raisons pratiques, l’emploi du temps peut être flexible, mais l’on devra se mettre d’accord formellement sur les changements. Les termes de cet accord sont des droits et des devoirs, pas des privilèges et des faveurs.
2) Partage des tâches
Les enfants
1- Le matin : réveiller les enfants, les habiller, faire leurs déjeuners, vérifier qu’ils ont leurs livres, cahiers, argent, devoirs, badges…etc. Brossage de dents, petit déjeuner. Café pour nous.
2- Transport; emmener et ramener les enfants à leçons, dentistes, docteurs, amis, jardin, fêtes, cinéma, bibliothèque… Prendre les rendez-vous
3- Aide ; avec les devoirs, les problèmes peronnels, les projets, les cadeaux, les expériences, le jardinage…etc. Répondre au questions, expliquer les choses…
4- Le soir; le bain, les dents, au lit, ranger les jouets et les vêtements ; lire avec eux, les border ; avoir les discussions du soir ; gérer les cauchemars et réveils nocturnes.
5- Babysitters ; s’assurer de leur présence, ce qui requiert un certain temps au téléphone.
6- Maladie ; appeler le médecins, vérifier les symptômes, aller chercher les médicaments, se rappeler de les prendre ; prendre des jours pour rester à la maisons ; offrir des activités
7- Weekends ; tout ce qui précède, plus activités spéciales (la plage, le zoo…)
La maison
La cuisine ; petit-déjeuners, dîners (enfants, parents, invités)
Les courses ; nourriture pour tous les repas ; les ustensiles ; les vêtements et les fournitures pour les enfants.
Nettoyage ; la vaisselle tous les jours ; l’appartement une ou deux fois par semaine ou par mois
La lessive ; les vêtements, les lits, le nettoyage à sec (les déposer et aller les chercher)
3) Emploi du temps
(Les numéros correspondent au partage des tâches)
1- Une semaine sur deux, un parent prend tout en charge.
2 et 3 - Transport et Aide: Entre 15:00 et 18:30, responsabilité de l’épouse, qui aura droit à une compensation (voir 10 ci-dessous). Le mari s’occupera de tous les transports pendant le week-end et après 18 :00 pendant la semaine. Le reste est partagé équitablement.
4 - Le soir ( après 18 :30) : la père s’occupe des mardi, jeudi et dimanche. La mère se charge des lundi, mercredi et samedi. Le vendredi sera pris en charge par celui qui a moins travaillé cette semaine-là.
5 – C’est celui qui va être remplacé qui doit appeler la baby-sitter. Si le parent en question ne trouve pas de baby-sitter, il/elle doit rester à la maison.
6 – Maladies : ce point doit être réparti equitablement, car c’est l’épouse qui en a la responsabilité totale pour le moment. (Idem pour les grèves de l’école ou les fermetures pour des raisons politiques. Le maire choisit de fermer les écoles, mais pas les bureaux et les entreprises.)
7- Les week-ends : répartition équitable. Le père est libre tout le samedi, la mère est libre tout le dimanche, mais le père s’occupe des transports du week-end, des petits-déjeuners et des courses spéciales.
8 – Cuisine : la mère s’occupe de tous les dîners sauf celui de dimanche ; le père s’occupe des petits-déjeuners du week-end (ce qui inclut les courses et le rangement). Le dîner de dimanche et les dîners des soirs où sa femme n’est pas là et où il est responsable. Les petits-déjeuners sont répartis semaine par semaine. Celui ou celle qui invite des amis s’occupe des courses, de la cuisine et de la vaisselle ; si les deux sont à l’origine de l’invitation, la tâche est répartie.
9 – Les courses ; à répartir selon ce qui est le plus pratique. En général, l’épouse s’occupe des courses journalières ; le mari fait les courses spéciales, les fournitures et les affaires des enfants.
10 – Ménage : le mari s’occupe de tout le ménage en echange des heures supplémentaires que sa femme passe à s’occuper des enfants (entre 15 :00 et 18 :30 touts les jours + les maladies). Vaisselle : voir 4.
11 – La lessive : l’épouse s’occupe de la lessive normale. Le mari s’occupe de tout ce qui concerne le pressing. L’épouse défait les lits, le mari les fait.
Notre accord a changé nos vies. Etonnament, une fois qu’il a été écrit, nous n’avons eu à nous y référer que deux ou trois fois, même si nous devions toujours combattres nos vieilles habitudes.
Finalement, cet accord a été parfaitement integré, et à présent , deux ans plus tard, nous nous sommes rendu compte que nos nouveaux rôles sont aussi faciles à suivre que nos anciens rôles. J’aide avec plaisir mon mari à faire le ménage (tout en sachant que c’est sa responsabilité) et il m’aide souvent pour la lessive ou les repas. Nous avons tous les deux moins de travail, plus de temps ensemble et moins de mécontentement.
Avant d’écrire cet accord, je n’avais jamais le temps de finir un livre. Au cours des deux dernières années j’ai écrit 3 livres pour enfants, une biographie et un roman, et j’ai édité une collection d’écrits. Sans notre accord je n’en aurai jamais été capable.
Mais le changement le plus positif est celui qui s’est produit au sein de notre famille. 4 mois après notre accord, notre fille a dit un jour à mon mari : « Tu sais Papa, avant je préférais Maman, mais maintenant je vous aime tous les deux pareil. »
[1] Shulman, Alix Kates (1969) In Dear Sisters: Dispatches From the Women's Liberation Movement Basic Books, New York.
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