dimanche 16 septembre 2007

The Great Cosmic Mother



Monica Sjoo est éco-féministe anarchique radicale, et une artiste de la déesse, une écrivain et penseurE. Elle est née en Suède en 1938 et vit à Bristol depuis la fin des années 50. Elle est active dans les mouvements féministes depuis les années 60. Ses peintures, inspirées par la vénération de la déesse mère-terre dans les cultures ancestrales ont été exposées en Europe et aux Etats-Unis.
« Je suis une Eco-sorcière, une activiste, et j’ai toujours été féministe. »
Elle commença à explorer les médecines alternatives quand son fils Sean fut atteint par un cancer à 28 ans, 2 mois après la mort de son fils de 15 ans, Leif, dans un accident de voiture. Sean mourut deux ans plus tard en 1987.
Barbara Mor est née dans le désert du sud-ouest des Etats-Unis. Barbara Mor, native of southwest American coast & desert (SoCal, AZ, NM). Work in Orpheus Grid, Sulfur, BullHead, Mesechabe, Ms., Trivia (US); Ecorche, Intimacy, Spectacular Diseases (UK). Online: DissidentVoice (6/14/04); Trivia Voices (2/05), CTheory (8/4/05). Author of pagan eco-feminist The Great Cosmic Mother: Rediscovering the Religion of the Earth (HarperSF 1987, 1991).



L’ancien testament

L’Ancien Testament est le premier ouvrage écrit dans le but d’influencer les âges à venir. Nous le lisons toujours 3000 ans plus tard. Il est l’ancrage de 3 puissantes religions; le judaïsme, le christianisme et l’islam. Chacune est une facette du patriarcat. Chacune de ces religions monothéiste obéit à une déité paternelle sans représentation dont l’autorité vient de sa parole, sanctifiée sous sa forme écrite. La conception d’une déité qui a une image concrète prépare la voie à une pensée abstraite qui mène inévitablement aux codes des loi, à la philosophie dualiste et à la pensée objective, les trois signatures de la culture occidentale.

Le judaïsme présentait la relation entre YHWH et son peuple, Israël, comme un mariage. Ceux qui déviaient de la religion étaient adultères, allant se prostituer auprès d’autres dieux. Il en fut ainsi au VIIIè siècle av. J.-C. quand Baal, le dieu cananéen de la fertilité fut adopté à la place de YHWH. Le mariage du prophète Osée devint le symbole du mariage entre YHWH et Israël sans foi lorsque dieu lui dit « Va prendre pour femme un prostituée et aie d’elle des enfants de prostituée car Israël quittera le Seigneur en s’adonnant à la prostitution ». La désapprobation juridique de la prostitution avait aussi une base politique évidente, car les prostituées étaient aussi souvent les prêtresses de cultes rivaux, tel celui des Cananéens où les rites sexuels jouaient un rôle important.

Babylone elle-même, qui retint les Juifs en captivité de 586 à 539 av.J.-C. etait décrite dans la Bible comme une prostituée. La Putain de Babylone, plus tard identifiée à la Rome Antique, incarnant le vice, la corruption et le mal, devint finalement la marque de tout Etat considéré comme corrompu. Dans le livre de l’Apocalypse, Babylon est décrite comme « la mère des fornications et des abominations de la terre », et sa destruction prédite. LSELS27


La lutte constante entre la religion matriarcale et la tradition est un des thèmes principaux de l’Ancien Testament.
Elle commence avec la Genèse; le jardin d’immortalité de la Déesse est approprié par un dieu mâle, et tous ses symboles sacrés - l’arbre, le serpent, la lune-fruit, la femme- sont inversés et transformés en symboles du mal. Des deux fils d’Adam et Eve, Caïn était le « mauvais frère » parce qu’il choisit l’agriculture (matriarcale); Abel, le pasteur nomade (et patriarcal) était le « bon frère ». Dans la guerre contre la Déesse, les prophètes jetèrent bas « le veau d’or », « les serpents de feu », « la grande tentatrice », « le prostituée de Babylone » (le déesse babylonienne Ishtar). Ils accusèrent les magiciennes, les devins, les pythies et tous ceux qui pratiquaient la magie. La triple déesse de la lune était représentée par 3 menhirs - « des idoles de pierre ». Un de ses temples se trouvait sur le mont Sinaï, ce qui veut dire « montagne de la Lune ». Dieu ordonna à Moise d’aller détruire ces idoles - qui avaient toutes des seins.

Un élément nouveau était apparu dans l’Ancien Testament; Dieu non seulement justifiait, mais commandait le massacre d’ennemis religieux, c’est- à- dire de gens qui croyaient en d’autres fois.
On appelle Yahweh le dieu jaloux. De quoi Yahweh était-il jaloux? De la Déesse et de son amant, de leur relation sexuelle et sacrée, de leur domination sur les coeurs et les esprits de générations de tribus néolithiques. Yahweh, seul de tous les dieux mâles de la terre, n’a jamais de relations sexuelles avec une femme. Le yang a son yin, les dieux du ciel ont leurs déesses de la terre. Même les dieux védiques, et plus tard, les dieux mâles indiens avaient des « principes féminins », ou « deuxième moitié » ou femmes avec lesquelles ils pouvaient faire l’amour. Mais pas Yahweh. Yahweh est le seul dieu mâle dans l’histoire de la terre qui n’a jamais fait l’amour à une femme ou a la terre.
Ce phénomène extraordinaire continue avec la naissance d’un fils conçu sans sexe, d’une mère vierge et asexuée, et qui recommande à ses disciples d’éviter le sexe et les femmes s’ils veulent atteindre le paradis.
Les païens n’avaient pas de système de morale basé sur le sexe. Celui-ci était sacré, la chair était une manifestation de l’esprit. Mais l’esprit était lié à l’énergie -humaine et divine- et l’on savait que l’énergie était facilement gâchée, déséquilibrée ou mal utilisée. Les peuples païens conçurent des rites de purification et de concentration d’énergie pour des activités spéciales ou des occasions où l’énergie de l’âme était en danger, à cause de l’intensité d’une rencontre, ou d’un changement. L’âme en tant que sens de l’identité personnelle et d’appartenance était en danger dans des situations archétypales et ontologiques; la naissance, la puberté, l’acte sexuel, manger, tuer, se battre. Les hommes passaient au moins trois jours d’abstinence avant une chasse ou une bataille. Une abstinence ou une purification rituelles étaient entreprises avant de faire l’amour, à la puberté, ou après la mort. Ces purifications/concentrations d’énergie spirituelle étaient une manière de faire face aux transformations qui pouvaient menacer le sens de soi (personnel), et la communauté (transpersonnel). Que ces purifications aient eu ou non à voir avec l’activité sexuelle, il ne s’agissait pas de moralisme. C’étaient des « technologies du sacré » (Mircea Eliade), des moyens de concentrer et de maintenir l’énergie spirituelle dans toutes les crises ou transformations archétypales.
Le système judéo-chrétien a gardé les technologies de purification, après en avoir extirpé les rites magiques et leurs raisons, ce qui mené à une obsession pour la pureté, la propreté… (‘Cleanliness is next to Godliness’ and so forth).
La morale sexuelle s’est construite sur cette obsession de manière pathologique, aliénant les gens de leur « saleté corporelle » et de celle des autres, avec une peur et un dégoût du corps et de ses activités, et un système de projection qui insiste sur la « saleté » des étrangers, d’ou des doctrines de pureté ou d’impureté raciale. Cette morale a offert une base au racisme, ainsi qu’au sexisme. Elle conduit aussi à un dégoût de la vieillesse, des maladies, des handicaps. Dans l’Ancien Testament, les prêtres de Yahweh devaient être purs, c’est à dire physiquement parfaits. Tous les autres étaient impurs aux yeux de dieu, spirituellement inférieurs. Comme il est écrit dans les textes, le but spirituel des prophètes et des rois pastoraux hébreux était la séparation et l’hostilité mutuelle des énergies mâle et femelle; le but politique final étant la punition (jusqu’à la dégradation) de la femme par l’homme.

« Et de plus Dieu dit, Comme les filles de Sion sont arrogantes et marchent avec le cou tendu et des yeux dévergondés, marchant et minaudant et faisant sonner leurs chevilles; Dieu frappera la couronne de la tête des filles de Sion; et le Seigneur découvrira leurs parties secrètes. » Isaiah 3:16,17

Le mythe biblique d’Adam et Eve et de leur expulsion du jardin d’Eden est une autre séparation de la femelle et du mâle à l’ordre de Yahweh. On peut reconnaître tous les éléments rituels et symboliques de cultes très anciens de la Déesse dans la Genèse; le jardin de la Déesse et son serpent de sagesse cosmique; l’arbre de la co-naissance avec son fruit sombre de soma; la figue de la déesse crétoise - qui devint pour les occidentaux la pomme magique de la déesse blanche. Eve veut dire « vie », et est appelée la mère de toute vie. Adam veut dire « le fils de la terre mère rouge ». Toutes ces légendes; tous ces mythes de création remontent à des milliers d’années avant que les patriarches hébreux écrivent la bible.
Mais dans la Genèse, c’est un père qui crée toute vie. Et la première femme est créée du corps de l’homme; une inversion biologique fascinante! Dès le premier livre, l’idéologie politico-historique des patriarches est clairement établie. Le nouveau dieu mâle interdit à Adam et Eve de prendre part aux rituels des mystères sacrés de la Déesse. Ils ne peuvent manger le fruit et avoir accès au savoir transcendantal. Bien sûr, Eve; en tant que prêtresse de la Déesse, désobéit à Yahweh. Elle essaye, avec l’aide de son serpent magique, de persuader Adam de partager le fruit narcotique et les rites sexuels qui mènent à l’illumination extatique et à la renaissance du Jardin d’Immortalité de la Déesse. Et c’est cela, « le pêché originel ».
De manière significative, le mariage patriarcal est la punition d’Eve pour son « pêché ». Elle ne devra désirer que son mari, elle doit quitter le jardin et suivre son mari vers une terre stérile et régie par l’homme; condamnée à des grossesses non désirées et à des accouchements dans la douleur. En d’autres termes, c’est le mariage patrilocal qui l’isole des collectifs de femmes et qui la prive de sa connaissance des plantes contraceptives et narcotiques, contre la douleur. Elle n’est plus prêtresse et sage-femme de la Déesse. Elle portera à présent avec amertume des enfants qui appartiendront à l’homme. Elle devra rester sur le dos, passive quand Adam lui fera l’amour, comme le père dans le ciel sur la terre obéissante.




Quand le culte du dieu mâle fut établi, il dut être difficile d’expliquer comment il pouvait être le créateur de toute vie dans la création - puisque l’homme, contrairement à la femme ne peut créer avec son corps ni un enfant, ni le moyen de sustenter cet enfant.
Toute la relation de l’homme vis-à-vis du divin se trouva violemment altérée.
Il ne pouvait exister entre un père et son enfant le même lien vital biologique et magique qu’entre une mère et son enfant, deux êtres évoluant dans le même corps, au même rythme.
Du point de vue religieux, cela voulait dire la perte de la relation physique, émotionnelle et spirituelle continue entre l’homme et le divin. L’unité est dualisée, le ‘soi’ est isolé à l’intérieur de lui-même, et le reste de l’univers, dieu inclus, est déplacé et réifié à l’extérieur de soi. Le père n’est pas cette substance nourricière, ne contient pas tout, ne comprend pas tout, et la relation entre les humains et dieu le père devient abstraite et aliénée, distante et moraliste.
Le dieu abstrait n’est pas organique.
Tout aussi inorganique, le système de classe rigide de maîtres royaux servis par des esclaves qui vint rapidement se mettre en place autour d’une élite patriarcale, après 300 000 à 500 000 ans de vie communautaire de l’Age de pierre.
La création est maintenant considérée mauvaise - le Créateur est séparé et au-dessus de sa création; il est parfait, elle est fautive. Et l’idée du péché original peut donc naître pour rationaliser cette nouvelle relation artificielle entre l’âme humaine et son dieu lointain. Ceci pose les bases de toutes les subséquentes relations artificielles; entre les hommes et dieu, entre les hommes, entre les hommes et le monde naturel, entre les dirigeants et les dirigés. Car à présent la relation primordiale est notre corruption matérielle commune et non notre essence divine commune. Et toute l’église est censée nous apporter la rédemption du péché d’être né de la mère.
Dieu s’est généré purement spirituellement, entièrement libre de la matière (car les prêtres insistent qu’il est libre de la mère) et ne participe pas au processus matériel.
Il devient difficile d’expliquer l’existence de la mort, de la maladie, de la souffrance - puisque ’Dieu’ n’a rien à voir là-dedans! Ou plus exactement, il devient très facile de les expliquer; tout devient la faute de la mère corrompue et de ses enfants - et de son amant païen, le diable.

Un dieu anti-sexuel est à présent considéré comme le père de toute vie! Et partout où vous trouverez un dieu puritain, vous trouverez aussi un dieu pornographique, car l’esprit aspire à l’équilibre.
Dieu le père étant considéré comme pure bonté, lumière et immobilité, comme le soleil à midi, les Hébreux et les Chrétiens durent inventer le Diable. Dans la Bible, les Hébreux de l’Ancien Testament font référence à Satan, ce qui veut dire ‘ennemi’- tout ennemi des Hébreux et de leur dieu était ‘satanique’. Les premiers Chrétiens, qui étaient en majorité des Hébreux ou leurs descendants entretinrent cette définition quasi politique du mal incarné jusqu’à ce que le Diable devienne la source de tout mal, obscurité, douleur, mort…

La matière n’est plus respectée comme la fondation du monde, du développement et de l’expérience. Elle n’est plus perçue comme un phénomène évolutionnaire, comme une forme d’énergie spirituelle, ou le potentiel de l’inconscient. La matière est à présent le féminin stupide et sombre, méprisée comme étant d’une valeur inférieure au mâle. Dans les doctrines musulmane et chrétienne, la matière est devenue inerte, totalement négative, démonisée et hostile à l’esprit. C’est le monde de la femme, opposé à celui de l’esprit dont les hommes hériteront.
L’avènement de la révolution industrielle, avec l’assise de la science en tant que religion patriarcale causa cependant une inversion critique. Sans pour autant annuler les associations négatives précédentes, le matérialisme devint l’idéologie dominante et masculine, alors que la spiritualité était consignée à une sphère périphérique de plus en plus éthérée et inutile, celle des ‘vapeurs féminines’. Mais la matière est toujours considérée comme inerte et idiote; le matérialisme ne trouve pas sa gloire dans la matière, mais dans la capacité de l’homme à la manipuler. Le nouveau matérialisme est la dévotion à la machine et au produit, et non la célébration vitale et extatique de l’esprit de la matière qui caractérisait la religion de la Déesse. Cette nouvelle poussée de matérialisme pousse à quitter l’orbite de la terre, à s’échapper des problèmes de nos origines corporelles saignantes, désordonnées, affamées, productrices de déchets - pour s'établir dans des stations spatiales entièrement stériles et créées de la main de l’homme, où l’astronaute, le prêtre moderne de la religion techno phallique réalise son vieux rêve; échapper entièrement aux processus terriens dans lesquels le reste d’entre nous pataugeons.
Le symbolisme anti-terrien, anti-naturel est directement lié au dualisme religieux. Il en naît une vision du monde purement abstraite, comme en mathématiques, dans laquelle les symboles humains ne sont pas compris comme faisant partie d’une réalité plus large - ils sont perçus comme étant la réalité. L’immortalité promise par la Déesse lunaire n’était pas un état de perfection et d’immobilité dans une lumière éternelle. Elle offre une vie sans cesse renouvelée comme celle même de la lune, dans laquelle le fait de diminuer et de mourir sont essentiels à la naissance et au développement de l’esprit. Sa rédemption ne nous sauve pas du péché et de la matière, mais des pièges mentaux qui bloquent notre expression à sa source. C’est l’union des contraires dans la psyché qui nous libère du pouvoir final de la mort, qui permet à la conscience de passer d’une dimension à une autre dans le champ cosmique. Ceci est la seule expérience de rédemption; être vécu par une autre présence - le créateur derrière l’ego.

Si les religions de dieu le père sont réactionnaires et anti-révolutionnaires, la raison en est simple; elles se sont construites en réaction à la religion de la déesse qui domina la pensée humaine pendant au moins 300 000 ans. Dieu, lui, n’a été conceptualisé comme uniquement mâle que depuis trois ou quatre mille ans.
La caractéristique d’un dieu olympien (patriarcal) par rapport à un dieu de mystère (matriarcal) est que la forme de l’olympien est rigidement définie et toujours humaine. Il a perdu ses formes animales et son pouvoir magique de changer d’une forme énergétique à l’autre. Il a perdu ses propriétés alchimiques. L’olympien est rationalisé, idéalisé, lointain, immortel - il a l’air trop géométrique pour bouger. Les poètes ont du mal à le rendre intéressant parce qu’il ne l’est pas. L’olympien n’évolue pas, il apothéose - au son des trompettes. Il n’est pas né d’une femme ou de la matière ou de la terre, mais de sa volonté absolue. Il représente une perfection statique sous forme humaine, incapable de transformation ou de changement extatique; en tant que dieu, il est un concept intellectuel. Ainsi, l’échange d’énergie entre toutes les créatures et leur dieu magique et polyforme est perdue. Le contact avec le pouvoir mystique évolutionnaire est brisé; dieu devient une idée, et son monde simple mécanisme.

La communauté des femmes n’est plus une communauté. Le patriarcat brise le collectif de femmes en capturant et en emprisonnant l’énergie de chaque femme dans la famille patrilocale. Confucius ‘The Three Obedience’ to father, husband and son. 600BC in China. The Hindu code of Manu…
La déesse avait été toute puissante mais elle était la mère de fils autant que de filles. Son corps enfantait des fils, qui étaient nourris par ses seins, et elle ne souhaitait pas que les hommes soient dégradés et détruits. Dans le matriarcat, les hommes n’étaient pas réduits à des unités techniques, à l’esclavage, ou à des objets sous humains. Elle savait qu’elle était le parent, et elle n’avait pas besoin de renforcer une religion artificielle avec des lois artificielles. La dégradation systématique de ses fils l’aurait dégradée elle-même, qui ne désirait que des ’fidèles’ libres et gracieux. Il n’est aucune religion de la déesse ou l’on voit les fidèles à genoux.


[1] Sjoo, M. (1987, 1991) The Great Cosmic Mother : Rediscovering the Religion of the Earth, Harper Collins, New York, 528 p.

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