jeudi 13 septembre 2007

Haine





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Germaine Greer, née le 29 janvier 1939 est une professeure et écrivain australienne considérée comme une des voix majeures du féminisme du XXème siècle. Elle est Professeure Emeritus de littérature anglaise et d’études comparées de l’université de Warwick en Angleterre, récemment à la retraite, et l’auteure de notamment The Female Eunuch publié en 1970 qui la rendit célèbre, adorée et critiquée du jour au lendemain. Ses idées n’ont cessé de causer la controverse depuis. Belinda Luscombe l’a appelée « le dernier cheval de Troie, belle et pleine d’esprit, créée pour pénétrer la forteresse apparemment imprenable du patriarcat et nous laisser entrer à sa suite, nous les fantassins », la décrivant comme « une maniaque éloquente ». Angela Carter l’a traitée d’ « idiote intelligente ». « Son esprit n’est comme aucun autre », écrit la journaliste Catherine Keenan, « mais pour toutes les mauvaises raisons. »


Plus nous nous enfonçons dans le marécage de la misogynie, plus on condamne celle ou celui qui s’aventure à le mentionner. Il est aussi facile de dépeindre les femmes comme des harpies détestant l’homme, ce qu’elles ne sont catégoriquement pas, qu’il est difficile de prouver la haine des hommes envers les femmes, celle-ci étant pourtant réelle, évidente et envahissante. Toute femme qui ferait remarquer la haine des hommes envers les femmes sera elle-même stigmatisée en tant que haïsseuse de mecs qui s’est attiré l’ire masculine. Il ne sert à rien d’essayer d’établir les raisons de cette haine des hommes envers les femmes, car la haine est irrationnelle. Une femme qui essaie de comprendre la cruauté des hommes envers les femmes n’est confrontée qu’à de l’antipathie, c'est-à-dire par ce qu’est vraiment le sexisme. Bien que de nombreuses femmes soient décrites comme des harpies haineuses, aucune femme n’a jamais torturé un homme sans défense comme certains hommes torturent des femmes impuissantes. Les femmes ne disposent pas de l’équivalent du vaste vocabulaire d’insultes que les hommes leur jettent tous les jours au visage.
James Smith a 50 ans et il est en prison. En 1980-82, il a eu une relation avec Tina Martin, dont il se servait comme punching ball, même lorsqu’elle était enceinte de lui. En 1982, James Smith établit une relation avec une jeune fille de 15 ans qu’il essaya de noyer. Puis il rencontra Kelly Ann Bates. Elle avait 14 ans. Trois ans plus tard, il la retint prisonnière pendant 1 mois au cours duquel il s’amusa à l’énucléer, à poignarder ses orbites, et à couper son nez, ses oreilles, ses sourcils, sa bouche, ses lèvres, sa tête et son sexe. Il ébouillanta ses fesses et son pied gauche et brûla sa cuisse gauche au fer blanc. Il brisa son bras et ecrasa ses mains. Finalement, il la noya dans la baignoire. En Angleterre et au Pays de Galles, 2 femmes meurent chaque semaine de la main de l’homme avec lequel elles vivent. Quand une femme est tué, le suspect principal est l’homme avec lequel elle vit. La cruauté des hommes envers les femmes ne peut être définie comme de la simple agressivité ou même une rage aveugle. L’Association Médicale Britannique (BMA) publia un rapport en juillet 1998 estimant qu’un quart des femmes britanniques était victime de violences domestiques allant de coups de poing aux morsures en passant par les étranglements et au viol. Le rapport recommandait que l’on demande à toutes les patientes quelle était leur passé de violence domestique, comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis. Le même rapport indiquait que ces violences étaient plus susceptibles de se produire quand les femmes étaient enceintes.
Il est vain de se demander si les hommes seraient moins violents si les femmes étaient plus soumises, ou si elles l’étaient moins. Les hommes cognent les femmes parce qu’ils aiment ça ; ils torturent les femmes tout comme ils torturent des animaux ou arrachent les ailes des mouches, ou donnent des coups de pieds au supporter de l’équipe adverse qui se trouve à terre, parce que ça les fait jouir. Les hommes plus cultivés ressentent la même excitation en torturant verbalement leurs partenaires, en sapant leur confiance, en se moquant d’elles, en les faisant souffrir émotionnellement. Quand une femme se trouve dans ce genre de cercle vicieux, il ne lui reste plus qu’une seule chose à faire. Elle ne peut espérer sevrer son partenaire de ses satisfactions sauvages, ou répondre à ses griefs, ou se faire aimer comme elle le mérite. Elle ne peut que le quitter.
Et il la suivra, la menacera, allumera ses phares droit dans sa maison à minuit, il poussera ses amis à la terroriser. Un partenaire abusif est le plus fidèle de tous, accro comme il est au plaisir de frapper et d’insulter sa femme, il ne peut la laisser partir.
Tout comme nous avons réalisé que le viol n’a rien à voir avec le désir, mais tout à voir avec la haine, le harcèlement sexuel trouve aussi sa racine dans la haine et la rancune envers l’intruse. Ce que nous devons comprendre à présent, c’est que la haine a ses propres plaisirs, et qu’ils sont addictifs.

Même aujourd’hui, alors que la conscience du viol, du harcèlement sexuel et de la violence domestique est bien plus haute qu’il y a trente ans, un homme qui est finalement puni est bien malchanceux ;

Londres 1997 : 512 incidents de violence domestique furent rapportés
Qui menèrent à….
103 arrestations
à la suite desquelles
seuls 31 hommes furent inculpés
9 femmes retirèrent leur plainte
seuls 19 cas menèrent au procès
seuls 13 hommes furent déclarés coupables
2 hommes furent emprisonnés. Le reste paya des amendes et fit des heures de travail d’interêt général
2 hommes furent acquittés

La violence domestique est considérée comme moins grave que la violence non-domestique ( ce devrait être pire, l’agresseur vivant avec la victime !). Les agresseurs ont droit aux inculpations moins graves d’agression simple, et leurs peines ont plsu de chances d’être adoucies.
Les femmes battues ne peuvent s’attendre à des réparations tant qu’elles persistent à croire qu’elles peuvent maintenir leurs familles « intactes » en pardonnant à l’agresseur ou en prenant la faute sur elles. Leur conviction absolue qu’ils les aiment alors qu’en fait ils les haïssent peuvent leur coûter la vie. Les stratégies les plus efficaces por mettre fin à la violence domestique sont celles qui insistent sur la rupture de la relation abusive. La police sait qu’il n’y a pas de solution possible dans la relation – les femmes elles-mêmes ont beaucoup plus de mal à en arriver à cette conclusion, tant elles ne peuvent simplement pas croire que les hommes les haïssent.


"MEPs call for zero tolerance to all forms of violence against women"



[1] Greer, Germaine (1999) The Whole Woman, First Anchor Books Edition, New York, 384 p.

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